Rêves d'acclimatation

Revue Études rurales, n° 213

L’historiographie de l’acclimatation se confond avec un récit linéaire, que la rapide transformation des consommations alimentaires semble sanctionner, mais qu’un examen attentif des expériences agricoles passées contredit. Les échecs ont été aussi nombreux que les réussites si bien que l’acclimatation a été le plus souvent confondue avec un rêve, un programme, si ce n’est une utopie agronomique et zoologique. Comprendre le décalage entre ces projets et les réalisations, l’origine de ces échecs, le poids des dispositifs socio-techniques au-delà du déterminisme bio-climatique, constitue l’enjeu de ce dossier.
Il est question du début de l’échange colombien, avec les cultivateurs européens s’installant en Nouvelle Espagne, de la seconde colonisation européenne, quand la Bergerie nationale de Moudjebeur oeuvre à la diffusion des moutons mérinos en Algérie, de l’intérêt que l’arachide suscite chez les savants de l’Italie pré-unitaire ou encore des espoirs que l’empire napoléonien place dans l’essor du coton sur le continent européen. S’intéresser au passage de la plante ou de l’animal acclimaté depuis l’espace scientifique privilégié du jardin botanique et de la station d’expérimentation à l’espace agricole est l’angle qui structure les articles rassemblés dans ce dossier.
Ce changement d’échelle prouve qu’en matière d’acclimatation, une réussite agronomique ne saurait être convertie en une réussite agricole et en un succès économique.